par Ranulfo - France
Ma chère galère,
Ma chair de bois brûle !
Ma sœur, mes viscères macèrent
Face à vous, si jolie mule.
Quand je vous vis rivée à ce port,
Ces soldats haletant en votre ventre,
Le balancement de leurs corps
Au son palpitant de votre antre,
Mon sang est grimpé dans les tours :
Assez forcé de citadelles,
C’est après vos voiles que je chasse, accours,
Elle est tombée la bagatelle.
Que canasson courtise femelle de galion,
Voilà qui étonne.
Pourtant de notre passion
Naîtront des petits par tonne.
Et ne dîtes pas : c’est pas de tonnage,
Dix-huit nœuds quatre cents marmots,
Cramponné au bastingage
Je suis fier d’être votre matelot.
Ensemble nous conterons les moutons,
Sur nos doigts,
Ferons un compte rond,
Sous nos draps :
Un, cheval de, Troie,
Quatre, chevaux de bois,
Cinq, cheveux de toi,
Six chemins de croix…
Et par ce remue-méninge
Accroîtrons la ménagerie,
Car nous, on ne descend pas du singe,
Nous, on monte la cavalerie.
Dans mon poitrail se terrent des hommes,
En votre cale pousseront nos playmobiles.
Je serai un rivage, votre mobile home,
Vous mon ère de camping sauvage, une île.
Jamais plus caravane banalisée,
Ni planque à Spartiates,
Foin du bourrin customisé :
Pour toujours vous êtes Lauren, je suis Bogart.
Mais pour vivre heureux, virons au large,
Prenons la route de la soie,
Loin d’Ulysse menteur à gage,
Et d’Achille mentor du roi.
Au galop je lâche la bride à mon désir,
Non pour épater la galerie, fier,
Mais laissant crescendo grimper le délire,
Je rêve d’éperonner une galère.
Longtemps que je guettais les cigognes,
Et vous voilà, ma matriochka,
Sublime poupée gigogne
Grosse de poulains de bois.
Des enfants, mi-chevaux, mi-trois mats,
En votre sein mijotés, tendrement,
Sans mors ni cordage
Autre que le cordon des mamans.
Un, cheval de, Troie,
Quatre, chevaux de bois,
Cinq, cheveux de toi,
Six chemins de croix…
Et Goélette, la petite dernière,
Avec son cheveu sur la langue :
Quand gronde le tonnerre
Comme un jour de big bang,
Elle brave les embruns sur un air de zouk
En chantant à qui a peur de la marée grasse :
« Zazoute mon Zazou que ze roule sans mazout,
Laisse donc les chiens zapper, la caravelle passe ».
Alors va, riante poupée russe,
-Oui je vous dis tu, vous tutoie-
Etoile du Trois-Fois-Troie-Mois Circus,
-Non ne me rudoie, surtout pas-,
Va vite, sur la mer,
Ma parturiente,
Tracer des GR
Et leurs variantes.
Prends-moi pour compagnon de rame,
D’un bord du monde à l’autre rive,
Chaque jour refaire le coup de la panne,
Se laisser aller à la dérive.
Tu murmureras les consignes aux quatre vents:
En cas de pôle, briser la glace,
En cas d’urgence, tuer le temps
En cas de flibuste, encagasser.
Un, cheval de, Troie,
Quatre, chevaux de bois,
Cinq, cheveux de toi,
Six chemins de croix…
Aveugle dans mon champ de bataille,
J’étais promeneur de belliqueux,
Quand Sirène, a retenti ton chant en braille,
Qui fait de moi le baladeur des gens heureux.
Mais l’amour ne se fait pas en vers
Et contre toutes les rimes
Il vaut mieux se taire.
Point. A l’abîme.